13 décembre 2015: L’album anglophone inédit des Baronets – Entrevue avec Jean Beaulne

En compagnie de Jean Beaulne, novembre 2015.
En compagnie de Jean Beaulne, novembre 2015.

Aujourd’hui, on ajoute une page à l’histoire musicale québécoise en compagnie de mon invité, un acteur important du showbizz québécois des années 60 et 70. D’abord connu au sein du populaire trio Les Baronets aux côtés du regretté Pierre Labelle et de René Angelil – la réponse québécoise aux Fab Four en quelques sortes- il a cumulé parallèlement les emplois fondant notamment deux étiquettes de disques, signant de nombreux artistes émergents et gérant audacieusement la carrière de la formation Les Bel Canto. Après de méga-succès des Baronets tels C’est fou (mais c’est tout), Ça recommence, Est-ce que tu m’aimes ou Twist & chante, peu se souviennent que le groupe ait ensuite tenté de percer le marché américain.

J’ai interviewé l’ex-Baronet Jean Beaulne, question de faire la lumière sur des enregistrements totalement INÉDITS du groupe qui n’ont été découverts que récemment. Il s’agit en fait d’un album COMPLET enregistré à New-York en mars 1965, tabletté et jamais entendu de nouveau depuis 50 ans! Je ne saurais trop remercier l’ami Pascal Pilote ainsi que le blogueur américain Gordon Skene de Past Daily (pastdaily.com) qui a initialement permis la redécouverte de ces bandes originales et accepté de partager en exclusivité ces enregistrements. Bonne écoute!

Recent interview with Jean Beaulne, ex-member of Les Baronets, about the band’s lost 1965 album recorded for New York label Vee-Jay. Special thanks must go to Gordon Skene, blogger for Past Daily, who introduced us to 4 undiscovered tracks before sharing the whole unissued session with us. What a great christmas gift! Check out his fascinating daily blog posts, you might find other hidden gems from Quebec! Merci Gordon!

Magazine Dis-Q-Ton, avril 1965.
Magazine Dis-Q-Ton, avril 1965.

THEBaronetsBLANCComment un trio francophone aussi populaire a-t’il envisagé de conquérir les États-Unis?

Au printemps 1965, Beaulne rencontre par hasard un chasseur de talents dans les locaux de la station radio CJMS. Ce dernier avait été dépêché à Montréal par le président des disques Vee-Jay. Quelques années plus tôt, cette étiquette newyorkaise –comme plusieurs autres- avait été approchée par le manager Brian Epstein pour distribuer son tout nouveau groupe : The Beatles. Vee-Jay avait nonchalamment pressé certains disques des Fab Four quelques semaines avant que la Beatlemania ne déferle sur l’Amérique, mais ultimement, Epstein choisi de signer plutôt une entente avec Capitol… Depuis, Vee-Jay était à la recherche d’une autre formation similaire aux Beatles pour faire oublier leur bévue. Lorsque Beaulne l’invite au restaurant pour continuer leur discussion, le newyorkais est étonné de constater l’immense popularité du Baronet, sans cesse accosté par des fans sur la rue pour des autographes. Peu de temps après, Vee-Jay négocie une entente avec Ben Kaye, gérant des Baronets, pour réaliser le plus tôt possible une session d’enregistrement à New York. Pas l’temps de niaiser…

Mars 1965, Beaulne, Labelle & Angelil s’envolent pour les USA afin d’y rencontrer les musiciens qui superviseront leur travail en studio. Vee-Jay ne lésine pas sur la qualité et le groupe est rapidement pris en charge par une équipe extraordinaire formée d’Al Kasha, Charles Calello, Bob Crewe & Bob Gaudio. La crème de New York! Kasha est un des plus célèbres auteur-compositeur-arrangeur américains qui débute chez Columbia avant de travailler au Brill Building, gagne 2 Oscars et arrange une foule de chansons parmi les plus grands succès du 20e siècle. Calello est bassiste et arrangeur pour The Four Seasons en plus d’orchestrer une foule de tubes du Billboard’s TOP 100 (incluant 38 présence au Top 10). Gaudio, en plus d’être organiste des Four Seasons, signe avec l’auteur-compositeur Crewe plusieurs des méga-succès du groupe (Sherry, Walk like a man, Big girl don’t cry, Can’t take my eyes of you ) ainsi que de nombreux autres titres au Top 100. Y’a pas à dire : Les Baronets sont entre bonnes mains!

45_Baronets_B11 titres anglophones sont proposés au trio qui retourne à Montréal avec une fragile acétate en guise de maquette. Une fois les nouvelles chansons pratiquées et assimilées, Les Baronets retournent à New-York au début de l’été pour y enregistrer prestement leurs versions définitives, toujours avec les mêmes musiciens en studio. L’album envisagé est un habile mélange de compositions originales, de reprises et d’airs connus «revisités». On y retrouve: Mine all mine (version originale du futur simple Je suis fou, pressé au Québec), I’ll step aside (totalement beatlesque, non loin du son des montréalais JB & the Playboys), If you want to (Frère Jacques) & Can’t forget her (Little alouette) qui fusionnent des airs connus à des mélodies plus actuelles, That’s the way love happens (l’accrocheuse face B du 45 tours promotionnel), La vie en rose (une adaptation feutrée signée Calello), The girl who wanted fame (un titre emprunté au groupe britannique The Wackers), Goodbye to lonesome town (que le trio reprendrait en français sous le titre Seul sans toi ), The birds & the bees (succès du chanteur…), If you want me it’s alright (emprunté à Georgie Fame) et l’excellente originale Who can I talk to about you (toujours dans la veine merseybeat). Du lot, Vee-Jay propose d’extraire deux chansons en vue d’un 45 tours (Mine all mine / That’s the way love happens ) promotionnel pour les DJs de la ville, à raison de quelques centaines d’exemplaires, sans plus. Le simple est aussi publié dans une rarissime version standard (étiquette noire), mais les jours de l’étiquette newyorkaise sont déjà comptés… En effet, Vee-Jay déclare faillite quelques semaines suivant la parution du 45 tours et doit bientôt cesser toutes ses activités. Le groupe est dévasté et malgré les bonnes intentions de Beaulne qui tentent malgré tout de négocier un nouveau contrat de disque à New York, rien n’y fait. Légalement, les bandes ne peuvent être recyclées. Elle demeureront ainsi à l’abris, dans un coffre fort, durant les prochaines décennies…

Malgré quelques passages à la télévision anglophone (au Peter Martin Show animé par Pierre Lalonde ainsi qu’à une émission ontarienne), Beaulne demeure confiant: son groupe avait tout pour séduire le public américain. Qui sait comment la carrière du groupe aurait évolué si l’album avait été pressé à l’époque? 50 ans plus tard, on peut déjà se frotter les mains et se dire qu’une injustice a finalement été réparée: l’album peut maintenant être entendu et une réédition officielle peut dorénavant être envisagée…

Nous reviendrons dans une éventuelle seconde interview sur les nombreuses productions de Beaulne au courant des années 60 et 70. Entre temps, votre témoignage importe: si vous avez souvenir de cette époque ou pouvez contribuer des photos, des coupures de presse ou des archives vidéos pouvant nous aider à mieux documenter la carrière en anglais des Baronets, écrivez-nous!

Un Baronet heureux en vaut trois!
Un Baronet heureux en vaut trois!

Comments

13 responses to “13 décembre 2015: L’album anglophone inédit des Baronets – Entrevue avec Jean Beaulne”

  1. Jean-Marc Michaud Avatar

    Bravo pour la découverte de cet album inédit. Certaines “tounes” auraient peut-être réussi à lancer les Baronets aux USA. Salutations à Jean Beaune que j’ai bien connu lors de son incursion dans le domaine des boîtes de nuit, (bar, club), à l’hôtel Sheldon de Hollywood en Floride.

  2. Gordon Skene Avatar

    Thanks so much for the lovely comments and the plug for Past Daily! I hope the “rediscovered” album comes out soon!
    Best wishes,

    Gordon Skene
    Past Daily

  3. Jacques Boucher Avatar
    Jacques Boucher

    C’est pas croyable! ce que l’on peut faire de nos jours! un enregistrement de 50 ans qui pourrais revoir le jour!
    La guestion est ? Est-ce que ca se vendrais? A vous la reponse?
    Jacques Boucher de Rivière-du-Loup.

  4. Sébastien Avatar
    Sébastien

    Merci Jacques. M. Beaulne est plus que partant pour une réédition en 2016; on vous en reparlera!

  5. michel brouillette Avatar

    bonjour a vous, il me semble que vous avez annoncer la sortie d un disque remixer pour l année 2017 a l émission de denis lévesque. merci

  6. michel brouillette Avatar

    A l émission de Denis Lévesque un peu avant les fetes vous avez parler d un disque souvenirs qui serait bientot en vente. si oui, a quel endroitpeut on l acheter merci

  7. Sébastien Avatar
    Sébastien

    Bonjour! C’est M. Beaulne qui a participé à l’émision de Lévesque, pas moi. J’attends cependant de ses nouvelles à ce sujet, mais une publication du CD me semble imminente! 😉

  8. Sébastien Avatar
    Sébastien

    Ça s’en vient, en effet, mais M. Beaulne pourra mieux vous renseigner. Surveillez sa page sur Facebook.

  9. Jacques Couture Avatar
    Jacques Couture

    Bon! Enfin, le seul membre encore vivant! Bonne chance à vous, Jean B e a u l n e
    B e a t l e s
    Une certaine ressemblance.

  10. C. Fradet Avatar
    C. Fradet

    Ce disque devait-il sortir au Québec sur CANUSA CLJ-33.607 et titré ”Jean, Pierre et René à Wildwood” ?
    Ce disque aurait probablement été le dernier CANUSA avant que la compagnie de Tony Roman ne ferme ses portes.
    Sur l’ébauche de la pochette, on y voit les 3 artistes en toxedo, dans l’eau jusqu’à la ceinture sur la plage de Wildwood.

  11. Sébastien Avatar
    Sébastien

    Bonjour. Je ne comprends pas ce que vous avancez… vous dites avoir vu une ébauche pour une pochette pour cet album inédit à l’époque de Canusa?

  12. C. Fradet Avatar
    C. Fradet

    J’ai cette pochette, mais sans le vinyl….CANUSA CLJ.33-107 et titrée ”Jean, Pierre et René à Wildwood”……D’après moi, ce serait le dernier LP qu’aurait produit Canusa avant de fermer ses portes, mais il n’est jamais sorti……Était-ce pour ce disque en anglais des Baronets ?…..ou pour un nouveau LP des Baronets en français ? (aucun titre sur la pochette)…..Jean B. se souviens peut-être.

  13. Sébastien Avatar
    Sébastien

    Ben ça alors!! Selon le numéro que vous nous avez fourni, il semble que Tony ait préféré attribuer ce matricule à un album de Farago à la même époque.

    Je serais très curieux de voir cette pochette que vous mentionnez. Peut-être effectivement s’agissait-il d’un projet abandonné par Canusa.

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